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12 Apr

La peau des pêches _ Salomé Berlioux

Publié par Vanessa De Jesus Ribeiro  - Catégories :  #Littérature française, #roman, #Témoignage, #Coup de coeur, #PMA, #Infertilité, #Emotions, #Autobiographie, #Contemporain, #Drame, #Famille, #France, #Psychologie, #Solitude, #Romance

La peau des pêches _ Salomé Berlioux

Résumé :

« J’annonce à mon médecin : nous souhaitons avoir un enfant. De sa voix tranquille il répond : c’est possible. De ce c’est possible dont il ne reste rien, je garde toutefois le souvenir. Talisman d’une époque où avoir un enfant semblait non seulement possible, mais facile. Simple prolongement de l’étreinte amoureuse. Je n’avais aucun doute. Pourquoi en aurais-je eu ? »


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Mon avis :

C'est l'histoire d'une femme ou plutôt d'un couple. Un couple d'amoureux fous à qui tout sourit. Diane et Aurélien ont des revenus confortables, s'épanouissent chacun grâce à une carrière florissante dans les hautes sphères politiques, partagent la vie d'une petite fille incroyable Pauline (fille d'Aurélien, née d'une précédente relation) une semaine sur deux, et ont le cœur plein d'un amour fusionnel qui les unit pour le meilleur et pour le pire.
Le pire justement, il arrive avec une envie naturelle d'agrandir cette si jolie famille. L'envie pour Diane d'avoir ce bébé qu'elle s'était toujours imaginée concevoir, porter, mettre au monde et choyer.
Une simple envie de maternité. La maternité : cette chose que l'on envisage comme un don naturel accordé à chaque femme, Diane va s'apercevoir qu'elle est en réalité loin d'être une garantie vendue avec le pack "utérus".
Commence alors pour le couple une descente en kayak sur un torrent de lave en fusion.


J'ai lu ce livre d'une traite, sans m'arrêter et en versant beaucoup de larmes. Je ne l'aurais probablement pas fait si l'une de mes meilleures amies ne m'avait pas dit "ce livre j'aurais pu l'écrire". Pour la comprendre, pour enfin essayer de percer le voile opaque de son quotidien de femme en PMA depuis plus de 4 ans, je l'ai lu.
C'était le moins que je pouvais faire. Moi qui, bien qu'essayant du mieux que je peux de rester à l'écoute, érige systématiquement une sorte de barrière mentale sur ce sujet, sorte de protection dérisoire contre quoi? Je me le demande. Moi qui malgré mon obésité, n'ait eu aucun mal à enfanter. En attendant cette barrière m'a toujours empêcher d'être présente pour elle. C'est cette barrière qui m'empêche de retenir les différentes étapes du protocole, qui me fait oublier les dates d'intervention, les démarches en attente, cette barrière encore qui me fait honte lorsque je dois demander pour la énième fois "alors vous en êtes où?", qui me fait compatir sans pour autant pouvoir toucher la réalité de tout ceci. 

Le temps d'un livre, Salomé Berlioux a ôté mes œillères et m'a plongé la tête dans tout ce foutoir. Et je ne la remercierai jamais assez pour cela. 
Impossible alors d'abaisser ma barrière (On ne peut pas se cacher quand on lit).

C'est un roman magnifique qui parle d'amour, d'espoir, de désillusions, de colère, d'idées reçues, d'incompréhension, de parcours médicaux interminables et de douleur aussi, tellement de douleurs. Il y'a des dizaines d'explication à l'infertilité, parfois même il n'y en a pas. C'est ce qui se passe pour Diane qui nous décrit avec beaucoup d'émotions et de lucidité leur chemin de croix.
Je vous le dis tout de suite, on est très loin du roman feel-good, néanmoins cette lecture me paraît nécessaire à toute personne pouvant s'identifier à Diane et Aurélien, ou à toute personne qui comme moi se sent perdue face à ce tabou.

Ce que j'ai aimé dans ce livre, c'est son titre d'abord : La peau des pêches. En référence, à cette explication toute faite que sa belle-mère lui suggère au cours d'un break familial : Diane mange les pêches avec leur peau pleine de pesticide, CQFD.
Puis j'ai aimé l'écriture fluide et sans retenue de son auteure. Bien sûr, c'est romancé, mais c'est autobiographique, comment cela pourrait-il en être autrement? Ces émotions, ces ressentis décrits avec une franchise et une beauté désarmantes ne peuvent être le fruit d'une imagination débordante, ça pue les kilomètres de montagnes russes, les larmes épuisées, les cœurs froissés, les mots qui manquent, les rires de chagrin.
 
C'était tout simplement magnifique. Alors j'aimerais juste terminer en disant ceci :

- Salomé Berlioux : je vous remercie mille fois pour cet ouvrage et vous souhaite de venir à bout de votre Goliath.

- Ma poulette : je te remercie pour cette amitié inespérée qui m'a sauvé la vie, et pour cette lecture qui m'a permis d'enfin comprendre tout ce qui ne voulait pas rentrer dans ma cervelle de moineau. Je m'excuse pour toutes les fois où tu as eu l'impression de t'adresser à un veau, et je t'aime infiniment.
 

"Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, répète-t-elle doucement, mais tu sais, j'ai vu que tu mangeais souvent tes pêches sans enlever leur peau..." - interdite, je lève la tête -, "et je me suis dit, quand Aurélien m'a parlé, que vos problèmes venaient peut-être aussi de là." Un temps, puis : "Les pesticides, tu sais, c'est une véritable plaie. Alors peut-être que si tu enlevais la peau des pêches, et de tous les fruits, d'ailleurs, peut-être que cela vous aiderait?"

Mère d'Aurélien à Diane

Sans doute suis-je arrivée à ce stade du processus où l'épuisement fragilise les résistances. La machine s'enraye. "Tu as parlé dans ton sommeil", m'a raconté Aurélien quelques heures plus tôt. Mon mari a son visage des matins gris. Il finit par admettre m'avoir entendue prononcer à voix basse dans le noir de la chambre : "Je n'ai plus qu'à m'asseoir et à attendre la mort."

Diane

Aujourd'hui, j'ai honte du sentiment d'invincibilité qui m'habitait alors. Je n'avais aucun doute. Pourquoi en aurais-je eu? Je ne connaissais l'infertilité que de nom. Pas plus qu'une ombre sur un mur.
De cela, je sais avoir été en colère. Pourquoi ne m'avait-on pas prévenue? Comment avais-je pu vivre si longtemps dans la méconnaissance d'une réalité qui était partout? Où se trouvaient les femmes qui auraient pu me parler? Pourquoi un tel silence?

Diane

Les parents sont majoritaires. Souvent sans se poser de questions. Pourquoi s'en poseraient-ils? Quand on respire sans difficulté, on ne sait pas que l'on respire. Respirer ne devient conscient, douloureux, qu'en cas de problème. Or, en la matière : les problèmes existent. Dans le monde, selon certaines études, près d'un couple sur sept serait confronté à l'infertilité. Dans 10 à 25% des cas, celle-ci n'est attribuable à aucun des deux partenaires.

Diane

On parle de procréation médicalement assistée quand cela fonctionne. Sinon, il n'y a pas de procréation. Il n'y a que des deuils successifs.

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